Tribune Libre à... seamrog
Syllogismes de l’amertume –
Cioran
Tout
d’abord, ce n’est pas un roman, c’est un recueil de pensées très courtes, de
citations que Cioran a décidé de nommer « syllogismes »…
Syllogismes, même s’il n’y a pas de longs développements intellectuels menant à une conclusion synthétique. Il s'agit au contraire d'éclats, de considérations sur différents aspects du réel.
Pour les connaisseurs, dans cet ouvrage Cioran n’est pas aussi
sombre que dans ses précédentes œuvres, c’est peut-être ce qui en fait un écrit
plus « accessible », plus agréable… il aborde plusieurs sujets, avec
un certain cynisme mais aussi beaucoup d’humour… moi il m ‘a plu ce livre…
Voici quelques exemples que j’ai retenus pour diverses
raisons :
« Rater
sa vie, c’est accéder à la poésie – sans le support du talent »
« Il est aisé d’être
« profond » : on n’a qu’à se laisser submerger par ses propres
tares. »
« Mystère,
mot dont nous nous servons pour tromper les autres, pour leur faire croire que
nous sommes plus profonds qu’eux »
« Le public se précipite
sur les auteurs dits « humains » ; il sait qu’il n’a rien à en
craindre : arrêtés, comme lui, à mi-chemin, ils lui proposeront un
arrangement avec l’Impossible, une vision cohérente du Chaos »
« Pour punir les autres
d’être plus heureux que nous, nous leur inoculons – faute de mieux – nos
angoisses. Car nos douleurs, hélas ! ne sont pas contagieuses »
« Quand
l’idée se cherchait un refuge, elle devait être vermoulue, puisqu’elle n’a
trouvé que l’hospitalité du cerveau »
« Il
nous répugne de mener jusqu’au bout une pensée déprimante, fût-elle
inattaquable ; Nous lui résistons au moment où elle affecte nos
entrailles, où elle devient malaise, vérité et désastre de la chair. – Je n’ai
jamais lu un sermon de Bouddha ou une page de Schopenhauer sans broyer du
rose… »
Temps et anémie
« qu’elle
m’est proche cette vieille folle qui courait après le temps, qui voulait
rattraper un morceau de temps »
« la
pâleur nous montre jusqu’où le corps peut comprendre l’âme »
« Tôt ou tard, chaque désir doit
rencontrer sa lassitude : sa vérité… »
Le cirque de la solitude de I à IV
« On
cesse d’être jeune au moment où l’on ne choisit plus ses ennemis, où l’on se
contente de ceux qu’on a sous la main. »
« dans
le pessimiste se concertent une bonté inefficace et une méchanceté
inassouvie »
« Pourquoi
nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d’êtres à décevoir ? »
« On
ne peut éviter les défauts des hommes sans fuir, par là même, leurs vertus.
Ainsi on se ruine par la sagesse. »
Vitalité de l’amour
« Dans
la recherche du tourment, dans l’acharnement à la souffrance, il n’est guère
que le jaloux pour concurrencer le martyr. Cependant on canonise l’un et on
ridiculise l’autre. »
« J’ai
toujours pensé que Diogène avait subi, dans sa jeunesse, quelque déconvenue
amoureuse : on ne s’engage pas dans la voie du ricanement sans le concours
d’une maladie vénérienne ou d’une boniche intraitable » (là je me devais
de la mettre !!!!)
« Nous
aimons toujours… quand même ; et ce « quand même » couvre un
infini »
Sur la musique
« A quoi bon fréquenter Platon, quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde ? »
Vertige de l’histoire
« Au
temps où l’humanité, à peine développée, s’essayait au malheur, nul ne l’aurait
cru capable d’en produire un jour en série. »
« Peuple
authentiquement élu, les Tsiganes ne portent la responsabilité d’aucun
événement, ni d’aucune institution. Ils ont triomphé de la terre par leur souci
de n’y rien fonder »
« Sans
l’assiduité au ridicule, le genre humain eût-il duré plus d’une
génération ? »
Aux
sources du vide
« Le
secret de mon adaptation à la vie ? J’ai changé de désespoir comme de
chemise. »
« Dans
nos rêves perce le fou qui est en nous ; après avoir commandé nos nuits,
il s’endort au plus profond de nous-mêmes, dans le sein de l’Espèce ;
quelquefois pourtant nous l’entendons ronfler dans nos pensées… »
Seamrog