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Claudiogène
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6 février 2007

Tribune Libre à ... Plum'

LE SACRIFICE DE LA CHAIR

Elle est arrivée ici, un peu par hasard, un peu en fuite, mais pleine d’espoir. Elle est arrivée ici un samedi d’octobre, par une journée sans soleil. Elle est arrivée comme tous ceux qui viennent d’ailleurs. Elle s’est garée devant la mairie, a regardé autour d’elle, repérant la boulangerie, l’église, le bureau de poste, l’agence bancaire. Ce n’était pas bien difficile, ici, tous les commerces se trouvent dans la rue Principale. Elle a consulté le plan, devant l’Hôtel de Ville et elle est remontée dans sa voiture en direction de l’école primaire Emile Zola.

Lorsqu’elle est arrivée devant le numéro trois de la rue de l’Ecole, les déménageurs l’attendaient déjà. Elle leur a ouvert la porte d’entrée de la petite maison simple mais coquette. Cela sentait encore la peinture fraîche, les tapisseries neuves. C’était une maisonnette de village avec un étage. Une petite cuisine entièrement aménagée ainsi qu’un salon avec une cheminée et du carrelage beige achevaient de constituer le rez-de-chaussée. Un escalier menait aux deux chambres et à la salle de bain. Il n’y avait pas de garage, juste une petite chaufferie faisant office de buanderie. Les meubles, peu nombreux, trouvèrent rapidement leur place et, à sa demande, les cartons furent déposés à l’étage ou en bas selon leur contenu.

Lorsqu’elle fut enfin seule, elle brancha le téléphone et vérifia que la ligne était ouverte. Elle testa tous les interrupteurs, rangea la vaisselle, les livres, le linge. Elle déballa un carton qu’elle chercha au milieu des autres. Elle en retira deux cadres en argent avec les photos de deux garçonnets. Elle en posa un sur la table de chevet et le second sur la commode. Elle regarda sa montre et sortit afin de faire quelques courses pour le week-end tout en essuyant une larme qui perlait dans le coin interne de son œil gauche.

Elle a descendu la rue à pieds, a croisé quelques personnes qui l’ont saluée aimablement. Ici, elle allait tout recommencer, se reconstruire après ce divorce douloureux et violent. Le plus difficile, elle le savait, serait l’absence des petits. Mais il n’y avait pas d’autre solution. Elle en avait suffisamment passer des nuits blanches à ressasser le problème dans tous les sens, chercher des solutions-miracles, invoquer Dieu, Jésus, Marie, les Saints…

Elle recommençait sa vie dans un village paumé de la campagne bourguignonne, loin de l’agitation parisienne. Elle recommençait à zéro avec juste ses fringues personnels, une dizaine de photos de ses garçons. Presque pas de meubles, un boulot d’infirmière à domicile (profession qu’elle reprenait après neuf années passées à s’occuper de ses fils), une quatre chevaux qui commençait à cumuler trop de kilomètres au compteur et une blessure énorme, béante, purulente : celle d’être partie sans eux, sans ses tout petits.

Elle n’avait pas pu leur imposer cela, cet exil en zone rurale. Ils habitaient une jolie et spatieuse villa à Neuilly, allaient en école privée, avaient de nombreuses activités sportives et artistiques. Jonas, l’ainé, avait commencé le hautbois et se passionnait pour l’instrument. Il faisait de l’escrime tous les samedis. Il chantait également dans une chorale. Simon, quant à lui, apprenait le violon et faisait de l’équitation. Ils partaient en vacances d’hiver en Autriche, allaient rejoindre leur tante Claudine tous les ans à Pâques, près de Bordeaux, et l’été, c’était les séjours à l’étranger en hôtel-club de luxe pour que chacun se sente en vacances.

Elle n’avait pas eu le cœur de les arracher à leur confort bourgeois et sécurisant qu’elle s’était acharnée à leur offrir. Non ! Elle avait fait le sacrifice de la chair et avait laissé à son ex-époux la garde de leurs enfants. Qu’aurait-elle bien pu leur offrir ? Le seul poste auquel elle avait pu prétendre après tant d’années d’inactivité professionnelle était ici, à Bléneau. Un village de mille cinq cents âmes sis au cœur de la Pusaye mais très pratique pour elle car qu’à une heure et demi de Paris.

Elle se sentait comme amputée de sa maternité et savait que la sensation de vide allait prendre de plus en plus de place. Elle s’installerait bientôt comme une tumeur et se nourrirait de son chagrin. Peu importe ! Elle avait fait le bon choix et en était persuadée. Elle recommencerait une nouvelle existence dans ce village où personne ne connaissait rien de sa vie d’avant.

Et puis, samedi prochain, elle monterait à Paris voir ses garçons. Elle passerait toute la journée avec eux, allait leur élaborer un programme digne de ce nom, peut-être la Foire du Trône (Simon adore les manèges). Oui, c’est cela, ils iraient à la Foire, tous les trois. Ils se gaveraient de pommes d’amour et de gaufres à la banane avec de la chantilly au chocolat.

En espérant seulement qu’ils accepteraient de la voir et de rester avec elle. Oui, en l'espérant…

© 2007 Plum

Le jeu de dimanche continue.

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Commentaires
O
Franchement, je ne sais pas... Maternités trop jeune, mariage trop jeune, envies de liberté peut-être, de vivre une jeunesse estimée volée, va savoir ! Bon, dans le cas de mon amie, il n'y avait pas de frustrations ni de problèmes. L'ex-mari s'est rapidement remarié et a donné un petit frère aux gamines. Mon amie, après une petite période de déprime (sûrement due à la culpabilité et peut-être même la honte) a profité de son célibat tout neuf pour goûter aux joies de sa liberté toute neuve tout en tenant son rôle de mère à temps partiel de façon exemplaire.<br /> Apparemment, ce mariage et ce qu'il en a résulté était effectivement une erreur. L'âge qu'elle avait à ce moment-là à contribué à l'échec. Mais les rapports avec ses filles ont toujours été excellents, ça c'est pour le côté réussi de la chose...
H
à aucun moment je ne me suis posée la question de savoir ce qu'elle avait pu ou pas, faire pour ne pas avoir la garde de ses enfants... d'autant que ton texte est très clair sur les raisons de ce choix... de plus, la tendance a sensiblement changé et de plus en plus de pères peuvent enfin avoir la garde de leur(s) enfant(s) sans que la mère aie pour autant fait preuve d'inconduite notoire... il était temps !! on veut l'égalité, la voilà et c'est très bien... <br /> Non c'est sur les raisons de son choix que je me suis arrêtée... le coté matériel, une fois encore, ne me parait pas être une raison pour justifier une telle décision... Les repas complets chaque jour, si elle avait la garde c'était lui qui payait une pension alimentaire... <br /> après, dans le cas (réel) de ton amie, si l'enfant demande à aller avec son père... bah... bobo hein... là y a rien à faire... enfin moi je ne m'y oppose pas... mais là ça devient une autre raison...
P
Ce texte m'a été inspiré par une histoire vraie, au départ. Il y a quelques années, j'ai fait la connaissance d'une jeune femme divorcée. Mariée trop tôt à un type qui s'est avéré être un vrai macho, elle s'est retrouvée rapidement mère de deux fillettes et gentiment contrainte de rester à la maison pour les élever. Coiffeuse dans un salon modeste dit "à mémés", elle a peu eu le loisir d'exercer vraiment son métier. Lui, ouvrier à l'étranger, ramenait une paye confortable. Construction d'une maison individuelle, petite vie de cadres moyens, cette jeune femme s'est rapidement ennuyée. Alors elle est partie. Elle l'a quitté. Emmenant d'abord ses deux filles. Ramenant plus tard la plus jeune à son père à qui il manquait terriblement. Puis l'ainée à qui sa petite soeur manquait terriblement. <br /> Mon amie a changé de ville, a trouvé un emploi chez des gens très aisés et le hasard (ou pas) a voulu qu'elle soit engagée pour garder leurs deux bambins. Elle gagnait un SMIC, payait une pension alimentaire à son mari, voyait ses filles tous les quinze jours et la moitié des vacances scolaires. Et ce qui m'a impressionnée, c'est son courage. Parce que moi aussi je me suis interrogée sur le fait qu'elle n'en avait pas la garde, lorsqu'elle m'a annoncée ses maternités. Moi aussi, je me suis d'abord demandée ce qu'elle leur avait fait ou pas fait à ces deux gamines. <br /> A aucun moment, j'ai pensé qu'elle avait pu choisir de leur laisser un confort de vie. Des écoles privées, des loisirs de qualité, une maison avec jardin dans un lotissement en banlieue, des repas équilibrés, des vacances tous les ans... <br /> J'ai été touchée par son histoire et, comme la vie réserve toujours de drôles de surprises, elle a fini par rencontrer son prince charmant. Il était bien plus jeune qu'elle, avec un début de carrière prometteur et, surtout, une terrible envie de fonder une famille. Tout ce qu'elle fuyait ! Mais il a fallu qu'elle réfléchisse vite si elle ne voulait pas le voir se détourner d'elle et réaliser ses rêves avec une autre.<br /> Elle a cédé et a entamé une grossesse difficile à presque quarante ans. Aujourd'hui, ils ont des jumeaux (un petit garçon et une petite fille) pour le plus grand plaisir des deux grandes et vivent un mariage heureux...
J
Il est très beau ce texte c'est vrai... Mais... oui je ne peux pas m'en empêcher, c'est fou ça hein... je me pose la question... pourquoi un tel sacrifice? je veux dire, pourquoi laisser ses enfants dans le confort bourgeois? je crois pas que j'aurais envie de laisser mes enfants dans un confort materiel... du moins, ce ne serait pas ni la 1ère et encore moins l'unique raison de ma décision, si je devais laisser la garde au père... pas évident votre dilemne là Plum'... ça me fait vachement penser aux Groseille et Le Quesnoy avec toute l'exagération d'un Chatillez en forme pour le coup... <br /> J'vais surement passer pour une réac' de 1ère, mais je reste parsuadée que le materiel n'est pas la prioirité dans la vie de l'homme et encore moins de l'enfant... violon, équitation, et patati et patata, s'ils n'en font pas, en seront ils vraiment malheureux? <br /> je pense que la seule raison qui pourrait justifier cette prise de décision chez moi, c'est que le père soit en mesure de faire ce que je ne peux pas, humainement, parentalement et (accessoirement) financièrement et je ne vois que la maladie qui puisse impliquer un tel empêchement... sinon, c'est garde partagée ou autre mode à la convenance des deux parents pour le bien des enfants... 'fin, je crois hein...<br /> Bon, en même temps suis passée à coté de la plaque, le truc à la base c'était le sarifice de cette femme, in fine... mais ça m'inspirait beaucoup moins... :))
M
Un texte de Plum chez vous, mais c’est génial !!
Claudiogène
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Claudiogène
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