Atelier d'écriture : Adèle R... (suite... et fin)

Atelier d'écriture : B.A.L. (boite aux lettres) tragique chez Claudiogène : 1 réponse.
Ouf ! Elle est de qualité.
J'essaierai de nouveau d'ici quelques temps. En attendant, je rappelle que des Tribunes Libres sont offertes, à tout le monde, sur tous les sujets, y compris polémiques. A vos mails !

Adèle R... 1, ici
Suite :

Le couvent des sœurs du Bon Secours m’accueillit et j’appris avec elles l’ordre, la religion, le dévouement envers les autres et un minimum de culture générale.

Mais ce confinement austère ne me convenait pas du tout. J’avais des envies frénétiques de liberté. Je voulais partir ! loin… très loin…

Et c’est à quelques pas du couvent que je croise mon destin. Le cirque « Bouripinchard » s’est installé sur la pelouse de St Cloud pour quelques mois de représentations gratuites. En cet été 19, il fait bon marcher librement dans les rues de Paris. Sous le grand chapiteau j’oublie les reliquats de l’horreur qui embaument encore cette ville que j‘aime tant… sous le dôme en toile, tout n’est que couleurs, musique, senteurs, magie… Un jeune homme à l’allure athlétique vient à ma rencontre. Trapéziste me dit-il… moi je ne suis rien, je ne sais rien faire, je vis dans un couvent où j’incube un infect lendemain… viens avec nous, nous avons toujours besoin de bonnes volontés, surtout par les temps qui courent… c’est sûr, il court le temps… sans moi… il me laisse sur place, comme un train que je rate avec obstination… c’est donc accrochée aux bas de mon acrobate que je me lance dans la vie sans filet… six années, à parcourir l’Europe entre cahiers de comptes et traitements de blessures physiques ou morales… mon nouveau couvent est à présent monté sur roue, il passe de ville en ville avec un espace plus encore confiné… mais j’entr'aperçois la liberté à travers les petites vitres de nos roulottes… j’y crois encore, et même plus fort…

Lors d’un passage à Carolo-City je fais la connaissance d’un groupe de parachutistes amateurs… j’ai du mal à comprendre la volonté qui peut les pousser à sauter d’un avion en parfait état de fonctionnement. Aussi j’apprends à sauter à mon tour et j’enchaîne sur des rudiments de pilotage… d’abord les règles élémentaires, comme penser à rentrer le train ou fermer les volets et avoir assez de vitesse pour se faire aspirer par l’air… puis la navigation à vue… je m’installe dans la patrie de Rimbaud, et tout comme lui j’envisage très rapidement de la quitter tant elle est morose et me donne le bourdon… là encore mes talents d’infirmière de secours seront utiles aux mineurs de houille. Je traînerai cependant dans la forêt ardennaise durant 20 longues années. Mais contrairement à Morgane je n’y ai jamais croisé d’enchanteur ou de chevalier pour m’emmener combattre dans des contrées à l’oxygène nécessaire à mon cerveau…

C’était sans compter sur une demoiselle endormie qui venait de se réveiller pour la 2^ème fois en moins de 20 ans. Les allemands étaient à nouveau sur le sol français, et la construction de la ligne Maginot me força tel un Vauban du 20^ème siècle à voler jusqu’en Suisse.

Je ne vis jamais la fin de la construction de cet ouvrage, ni même la fin de la guerre…

En allant sur la côte d’azur pour apporter les informations que j’avais recueillies en Suisse, mon avion s’est crashé dans un champ en haute Provence. Moi qui avais tant de fois soigner les autres je n’avais rien pour endiguer l’hémorragie de ma jambe. Je suis morte dans mon appareil, coincée par la carlingue, mon ultime petit couvent volant…

Mais une chose est sûre, j’ai fini par connaître la liberté… il me suffisait juste de savoir le visage qu’elle avait…

Seamrog

Demain, jeu inédit

Comments

[Plum']

Voler mais se brûler les ailes
Toucher la liberté du bout du doigt
Se donner, se sacrifier,
S'offir, partir, mourir
Etre enfin libre... et sourire...

Bravo pour ce joli mélo !