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Claudiogène
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3 août 2007

Jaligny sur Besbre

C'était, il y a trente ans.
Au retour d'un week-end au Puy de Sancy, à l'heure de l'apéro, je m'arrête prendre mon diabolo menthe dans un village totalement inconnu.
Attablé en terrasse ; terrasse, un bien grand mot, deux tables rondes plus proches de guéridons que de tables. Enguéridonné donc, je me rafraichis sous le soleil de plomb d'un mois d'août agressif.

Tout à coup, un brouhaha, des bruits de chaines, de vélos, des rires. Un peloton de cyclistes à la tenue "professionnelle", aux maillots de marques, Mercier, Molteni, Faema, Peugeot, avait pris pour ligne d'arrivée, le café.
Quelques mouvements, quelques saluts. Tous semblaient habitués. Tous se charrient, posent leurs vélos, ôtent leurs casquettes et en deux minutes, une demi-douzaine de chaises poussent autour du "guéridon" voisin.
Pas de commande, les pastis arrivent tout seuls. Le jeune homme au diabolo menthe se sent plus jeune que homme. Je fis le parallèle entre boisson et maillot jaune, pas encore entre boisson et dopage.

Au centre des coureurs, un coude un peu plus haut que les autres ne me semblait pas inconnu : La cinquantaine moustachue et la verve gauloise. Non, je ne sais même pas où je suis, je ne peux pas connaitre ces gens.
J'étais à Jaligny-sur-Besbre dans le Bourbonnais, département de l'Allier. Et ce très proche voisin, j'en devins vite persuadé, c'était René Fallet.

Bon sang, mais c'est bien sûr, le vélo comme son ami Nucera.

Bon, je sortais d'une période lecture de Fallet. Quand on titre un bouquin "Comment fais-tu l'amour, Cerise", on est forcément quelqu'un de bien.

Ami de Brassens, passionné par Cendrars, René Fallet disait avoir deux sources d'inspiration, la veine Beaujolais (les vieux de la vieille, la soupe aux choux, le beaujolais nouveau est arrivé...) et la veine whisky (ersatz, l'angevine...) que je préférais ; depuis je ne dis plus "verre de whisky" mais "verre de tristesse".

Dès que je fus sûr d'être si près de cet écrivain que j'aimais beaucoup, je finis mon verre, mon vert, en une gorgée et fuis.
Repassant en voiture devant la ligne d'arrivée, je fis un mouvement discret en penchant la tête et il leva la main en signe de salut.

Un jour, comme tout le monde, René Fallet mourut.
J'ai lu Fallet. J'ai aimé Fallet. J'ai vu Fallet. J'ai salué Fallet et Fallet m'a salué.

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Commentaires
D
Superbe ! (l'histoire ET l'écriture)
C
J'ai connu Paris. J'ai connu le mois d'août. J'ai connu Paris au mois d'août. J'ai lu Paris au mois d'août. J'ai vu Paris au mois d'août. J'ai écouté Paris au mois d'août.
L
« Chaque rue, chaque pierre<br /> Semblaient n'être qu'à nous<br /> Nous étions seuls sur terre<br /> A PARIS AU MOIS D’AOUT »
Claudiogène
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