Clin d'oeil
Petite histoire "clin d'oeil" à Plum'
Nous étions au marché. Choisissant ses légumes avec la méticulosité de ceux qui savent reconnaitre les bonnes choses, ma femme, pomme de terre à la main, la retournant comme une oeuvre d'art, me dit à voix basse sans daigner me regarder :
- Ne te retourne pas tout de suite, là à 9 heures, tu vois ce que je vois ?
Je ne devais pas me retourner et je devais voir. Si vous croyez que c'est facile, vous.
Bon. Puisque je ne devais pas le faire, je le fais.
Je regarde à 9 heures et, comme prévu, rien ne bouscule mon regard.
- Mais, tu ne les reconnais pas ?
- ...
- Là, le couple là-bas.
Bon sang. Je me concentre. J'active le mode "mémoire intensive". Rien à faire.
Le haussement d'épaule féminin ne tarda pas à venir, accompagné d'un :
- Mais, c'est Batouly... et Germain.
Un couple très étrange se tenait, se serrait, s'imbriquait amoureusement entre melons et pastèques.
Lui, grand, rouquin, très clair de peau, une petite cinquantaine, descendant des Vikings et de Normandie sans doute.
Elle, un sourire grand comme le ciel, une peau couleur caroube, une jeunesse insolente, solide et époustouflante. L'Afrique en personne, princesse du marché.
Le puzzle à deux pièces dont on ne vient pas à bout, car on ne peut pas y croire.
C'était donc Batouly et Germain.
Sereins, amoureux, gais, vivants, explosifs, dissonants et pourtant harmonieux.
L'oeil féminin avait été plus vif que le mien. Il était ému de tant de bonheur visible.
Au diable l'émotion. L'enquête d'abord : D'un regard circulaire je cherche une éventuelle Irène, un Claude Lhermitte aux aguêts...
Quand, tout à coup, un jeune africain longiligne entama, derrière nous, un morceau musical au djembé : Ibou était donc, lui aussi, de la partie.
J'entrepris de me réveiller. Rien à faire.
- Pince-moi, mon amour.
Elle me pinça.
Batouly, Germain et Ibou continuaient leur vie sans savoir qui ils étaient.