La banale histoire du jeune Julien Orange (6)
(Julien Orange 1) (Julien Orange 2) (Julien Orange 3) (Julien Orange 4) (Julien Orange 5)
Martine Page fait une pause. Ses jongleries sentimentales et
acrobatiques l’ont achevée.
Arrêt de travail. Pas de téléphone. Jérémie chez Mamie.
Jean-Pierre au salon. Et Julien en tête.
Trois mois de Julien. A-t-elle eu ce qu’elle voulait ?
A-t-elle fait le tour de la relation ? De toute évidence, un tournant
s’opére.
Sortie de ce tourbillon, maintenant et seulement maintenant,
elle réalise ce que ses pulsions font vivre au fragile et romantique
Julien Orange. Et de surpris, étonné, agacé même, c’est l’heure où il
devient amoureux. Amoureux et donc dangereux pour cet équilibre qu’elle
s’est construit.
Julien allait en demander plus et jamais il ne s’arrêterait.
Elle, se serait bien amusée un peu plus longtemps mais elle ne dirigerait plus
la machine toute seule. Les sentiments, excessifs pense-t-elle, du jeune
idéaliste, lui font peur.
Elle a usé et abusé du corps de Julien. Elle a découvert
dans cet amour charnel des plaisirs inconnus. Certes, elle bousculait, elle
entreprenait, pendant qu’il freinait et voulait tout intellectualiser. Mais,
ces heures d’amour fou, elle ne les oubliera jamais.
A chaque fois, c’était pareil : Elle devait prendre
l’initiative et dès qu’il se relâchait, c’était tout autre chose. Le timide
s’éveillait mais restait douceur, le passif devenait artiste. Elle aurait
voulu garder son corps, sa peau, son odeur, ses caresses, ses émois pour
toujours, pour toujours.
« Il est beau et je l’aime » pense-t-elle encore
entre deux sanglots.
Elle doit le quitter. Elle le sait. C’est une évidence. Elle
n’aime que cette complicité charnelle et passionnelle. Il veut plus. Il mérite mieux.
Sa décision est prise. Elle lui écrira et mentira sur toute
la ligne. Elle ne lui parlera pas de l’IVG du mois dernier qu’elle a voulu pour
éviter de se poser la question du père. Elle ne lui dira pas la beauté des
sommets atteints dans ces ébats. Elle
n’osera pas lui avouer cette impuissance à lui apporter plus à lui.
Non, elle lui dira, seulement : « Je te quitte,
c’est mieux comme ça » et au cas où, elle ajoutera d’un ton grave
« Ne me pose pas de questions, s’il-te-plait »
(à suivre)