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Claudiogène
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13 février 2008

La base américaine

La guerre était finie depuis près de vingt ans. Plus de soldats allemands à l’horizon, mais, l’armée américaine était omniprésente.
Nous habitions à quelques kilomètres de la base militaire américaine de Rocquencourt, Seine-et-Oise. Notre village, au bord de la Forêt de Marly-le Roi respirait bon la nature, mais, avec deux poumons bien différents.
D’un côté, le golf de réputation internationale fournissait prestige à la commune et emplois aux travailleurs émigrés ; de l’autre, la base américaine alimentait les services scolaires et sociaux et souvent les conversations.

Les bras Italiens fâchés avec la truelle étaient chauffeurs de car et mécaniciens pour les Américains. 
Le temps m’apprit que le ciment rendait plus droit et plus honnête que le cambouis.

Combien de fois ai-je vu mes compatriotes, oncles parfois, entre deux tournées, faire une pause siphonage de réservoir du car. Quelques bribes de conversations me laissaient imaginer des trafics en tous genres qui délestaient les magasins de la base et construisaient la réputation de voleurs des macaronis.
Mon père pestait contre ses « mula fuerbici », littéralement rémouleur, mais employé comme arracheur de dents, magouilleur et tricheur, qui donnaient une image aussi détestable du courageux travailleur transalpin.

L’école communale ouvrait grand son portail à cette Amérique que nous ne connaissions alors qu’à travers ses soldats.
L’été, nous devions apporter en c.lasse un morceau de pain déjà tranché mais vide. Au goûter, la maîtresse sortait une énorme boite de conserve et remplissait notre casse-croûte de gelée de fruits  d’outre-atlantique que nous appelions, à tort, marmelade.
L’hiver, c’était le bol vide que nous mettions dans le cartable. Plus tard, le chocolat chaud et américain y faisait une halte avant de réchauffer nos estomacs.

Ainsi, la base militaire américaine remplaçait la Caisse des Ecoles. 

L’expression « C’était l’Amérique » a été inventée là, pour nous. A Noël, nous découvrions les corn-flakes, inconnus alors dans le commerce. Du coca-cola ? Je ne crois pas, je ne m’en souviens pas ; seules les capsules des bouteilles servaient à nos jeux. Enfants de pauvres ou pas, nous avions un colis rempli d’objets divers et surtout inconnus de tous. Le plus étrange, celui que nous retrouverons plus tard en regardant « Le jour le plus long », est ce bout de métal qui fait clic-clac lorsqu’on le presse avec le pouce, un criquet ; il servait de signal de reconnaissance aux soldats. Son bruit nous amusait beaucoup mais jamais nous n’aurions osé le déclencher en cours. C’eût été le bonnet d’âne assuré ; et dans la cour des filles, s’il-vous-plaît.
Nos parents raffolaient du corned-beef et nous des chewing-gums.

Un jour, la base américaine* ferma et nos goûters changèrent de saveur.
L’Institut de recherche Informatique qui s’installa dans les locaux ne nous était d’aucune utilité.

Renseignements pris, il s'agissait du Quartier Général de l'OTAN en Europe.

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Commentaires
B
... que Marie
L
J'ai essayé les corned-blogs mais c'est inmangeable
M
se sont rencontrés à Strasbourg dans la base américaine, ma mère y était secrétaire, mon père V.I.P., on n'a jamais su ce qu'il y faisait vraiment, à part exhiber son passeport! Ensuite, ils ont émigré vers la base de Nancy.<br /> Quand les américians ont quitté la France, les ennuis ont commencé pour nous...<br /> Le corned-beef, je m'en rappelle. Comme quoi, les souvenirs d'enfance ne demandent qu'à émerger!
M
J'aime vraiment beaucoup tes billets souvenirs d'enfance ! Merci :-)
C
la gelé de fruits...tu veux dire du Jell-o???!!!<br /> ah non, je suis très américaine de coeur, mais là tu vois, c'est trop pour moi. Même si je n'avais pas un radis, je me demande si je ne préfèrerais pas le pain tout seul. :)
Claudiogène
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Claudiogène
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