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Claudiogène
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29 février 2008

NICE to meet you

La panne de la Grande Roue est un bonheur pour Raymond. Elle intervient au bon moment.
Autant Liliane s’inquiète, à cause du groupe qui ne va pas les attendre pense-t-elle, autant Raymond est au ciel. Il jubile. Il est heureux. Au spectacle ! Et quel spectacle !
Il ne s’agit pas du Carnaval de Nice bien différent du leur, là-haut, celui de Dunkerque, il s’en fiche. Il ne voit ni la Baie des Anges, ni les piscines sur les toits des hôtels, ni ce tramway flambant neuf qui trace une virgule harmonieuse sur cette belle place aérée, ni ces montagnes au loin. Il a déjà vu tout ça d’en bas et sur le catalogue.
Raymond n’a d’œil que pour son caméscope numérique, celui qu’il a acheté l’année dernière, au Grand Bazar d’Istanbul. Ce caméscope est magique, magique depuis trente secondes, depuis que la roue et Liliane sont bloquées.

C’est au même moment que tout en bas, sur la place Masséna, une femme venant de droite et un homme arrivant par la gauche sont entrés dans le champ de l’appareil magique. Et disons-le tout de suite, que notre Raymond entende les pensées de ces deux passants ne l’étonne  pas du tout. Il savoure.

Oui, c’est bien ça, le caméscope transmet les pensées des personnages qui passent dans l'écran :

L’homme : Pourquoi fait-il trop chaud à la FNAC, pourquoi est-ce si sombre ? Pourquoi est-il plus facile de trouver  un bouquin chez Virgin ? Pourquoi la librairie Masséna me fait peur ?
Mon Dieu qu’elle est belle !

La femme : Je suis contente de faire ça ce matin, il fait beau, ça m’occupe et je me sens utile.
Oh là ! Il est charmant. Lui, je ne le rate pas.

L’homme : Mais, elle est magnifique, une  statue mouvante, vivante, vivifiante. Une rousse, une vraie. Car, seules les vraies rousses savent figer les amoureux des brunes et les amoureux des blondes. Une frimousse flamboyante diraient les romanciers, lumineuse diraient les scribouillards. Mais là, elle est, elle est atome, boule de feu, centre de la Terre, brûlure créatrice, cœur du cœur. Incroyable. Rien n’est superficiel, tout vient de l’intérieur.
Un sourire large et timide pourtant,  un air de madonne prometteuse. Ses yeux, bleus ou verts ?
Sa presque quarantaine posée et gaie la rend mystérieuse et accessible, ou l’inverse.
Un bijou de beauté et de sagesse, pures.

La femme : C’est peut-être un touriste. Tant pis, j’essaie quand même.

"Tenez, Monsieur".

Elle lui tend un prospectus. Il le prend mais ne regarde que ses yeux.
"Merci"
Il baisse la tête. L’angle du papier glacé est orange.

L’homme : Une publicité pour un opérateur de téléphonie ? Un parfum ? Des cosmétiques ? Les 3J des Galeries ?
Merde, mais c’est un  tract politique. Cette femme époustouflante et parfaite distribue un tract politique. Et  pour le maire sortant. Merde et re-Merde.
Fichtre. La rumeur disait qu’il n’aimait pas les pétasses. C’était vrai.

"Je vous le rends, Madame, j’ai déjà mon candidat et je respecte les arbres"
"Prenez-le quand même, le meeting c’est mercredi"
"Non, Madame. Ou alors je vous prends le paquet. Mon candidat j'y tiens, c’est un humaniste. C'est le plus cultivé et le plus intelligent"

L'homme : Pas besoin d’en dire plus, elle a compris. La preuve, elle baisse les yeux.
Bon, elle le reprend son imprimé, oui ? Et dire que c’est un bout de papier avec la tête de l’autre qui fait le lien entre nos mains. On dirait que le maire célèbre une union.

"Je comprends"

La femme : Mince, mais, j’ai les yeux qui se mouillent. Pétard, mais je rougis. S’il me le demande je change de camp sur le champ.

L'homme : Mais comment une belle fille comme ça peut soutenir ce candidat ? Sacrée psychologie féminine, je n’y viendrai jamais à bout.

La femme : Quel con ! Il n’a rien compris.

Ils n'ont pas le temps de se saluer, de se sourire une dernière fois, de se tourner le dos.
La roue redémarre et la magie prend fin.


Après trois jours de moqueries et d’insultes de bobonne, Raymond finit par admettre qu’il est sujet au mal d’altitude et remballe ses hallucinations.

Le week-end suivant, à Zuydcoote, rue de Bray-Dunes, on se passe le film des vacances.
C'est alors que Raymond   comprend qu’il n’a pas rêvé ; le caméscope magique disait la vérité.
Se retournant sur Liliane, pour partager, il la voit, avachie, endormie sur le fauteuil délabré de grand-mère. Le regard qu’il lance à sa femme est désespéré.

A cet instant, il pourrait  la tuer. On devrait tuer les gens sans poésie, pense-t-il, pendant que l'arrêt sur image cadre la beauté de la militante de Droite.

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Commentaires
M
Oui, pas pour un UMP, mais un affreux gauchiste :)
C
"Sais pas....", c'est déjà OUI, non ?<br /> <br /> LCR pire qu'UMP : le développement serait, j'en suis sûr, très instructif, Marion.
M
Après avoir lu votre article je me demande...<br /> Est ce qu'il me serait possible de tomber amoureuse d'un joli garçon qui me tendrais un tract de l'UMP ? ou Pire, de la LCR?<br /> Sais pas.... :)
C
hhhâââ !!! J'adore quand tu me fais des compliments !
P
Claudio, je ne sais pas trop quoi dire. Cela me fait penser à une de tes toiles, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Une qui n'est pas sur ton site. Une que j'ai vue et que j'ai tout de suite comprise en plus de la trouver esthétique.<br /> Ce texte me fait dire qu'on a la chance qu'on mérite.<br /> Ce texte me fait dire que J. a bien de la chance.<br /> <br /> Rhhhâââ !!! J'adore quand tu es romantique !
Claudiogène
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Claudiogène
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